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Un conférencier fait une intervention sur la façon dont le feu était au cœur de la vie dans la Hague. Il a engagé plusieurs actrices dont le rôle est de présenter des objets ou des documents, de mimer ou jouer des scènes, de manière parfois décalée. Très vite l'intervention dérape : une complice dans le public relève des imprécisions, voire ses erreurs, le personnage témoin qu'il fait venir du passé se révèle beaucoup plus savant que lui, les actrices sont à la limite de la révolte étant donné les conditions dans lesquelles elles ont été engagées... La conférence va cependant jusqu'à son terme et se termine par une dégustation.
Madame « pote »
C'est normal que le grasset éclaire plus fort que la cheminée ? Là, on dirait plutôt un hallogène qu'un « vé couo ».
Ah, vous avez dit « couo »... Je vois que madame « pote »... Vous ne seriez pas de Saint Germain-des-Vaux ?
Non je ne suis pas de Saint Germain-des-Vaux. « Coué, coua, couo », comme j'ai entendu trois façons de prononcer, j'ai dit au hasard...
Vous pouvez nous expliquer un peu, Félix.
Les trois prononciations existent selon les endroits avec tous les intermédiaires possibles entre « a », « é », « o ». « Poter » vient de la façon de prononcer la négation, « po » au lieu de « pa » ou « paé ». A Saint Germain-des-Vaux, on pote. On dit « po ».
Piler les landes
Et pour les chevaux. On « pilait les landes ».
On pilait les landes ?
Les landes, ce sont des pousses tendres d'ajoncs. Elles étaient utilisées pour la nourriture des chevaux à l'écurie et cultivées dans un petit champ de bon fonds. Deux vergées et demi chez mes grands-parents. Elles étaient semées denses de façon à former de longues tiges ; Victor le grand valet, le matin, en fauchait quelques gerbes, armé d'un « dart ».
Un dard ? Un dard, c'est une petite faux à lame courte et rigide.
Les gerbes étaient ramenées et entassées à la porte de l'écurie, elles y restaient à « métir » tout le jour...
« métir », ça veut dire « sécher »...
et le soir, après la soupe, Victor garnissait un grasset et avec l'aide du père Diuste ils allaient « piler les landes ». On suspendait le grasset, on étendait une gerbe de landes sur la « pile »...
La « pile », c'est une grande pierre de granit épaisse et creusée, parfois entourée de bois
et à l'aide de pilons ferrés, ils frappaient en cadence jusqu'à réduire les landes quasiment en bouillie ; avec une pelle à pommes...
Une « paille futaine »...
C'est pénible d'être interrompu sans arrêt ! Avec une paille futaine, oui. On jetait cette nourriture dans la mangeoire des chevaux qui en étaient friands, et pour lesquels ils constituaient une excellente nourriture : « Cha lû thient le pré frais et la coue en l'air », disait le grand Victor.
Millet, vous prononcez comment ?
Ah non ! Non ! Je ne peux pas laisser passer ça ! Je ne voudrais pas donner l'impression de faire du mauvais esprit, de pinailler, de vouloir pourrir la conférence, mais je ne peux vraiment pas laisser passer ça...
Laisser passer quoi ? Le millet (myé) existe. C'est une plante, une céréale avec laquelle on fait de la farine et du pain. Mais quand on parle du peintre, on ne dit pas "myé", mais "millet", Millet ! Jean-François Millet. D'accord, c'est la prononciation du coin, mais Millet est bien né à Gréville, non ?
Je vais tout de suite faire appel à un spécialiste.
Non, non, pas la peine...
Tout le monde sait que par ici, le « l » mouillé perd sa mouillure à la finale. On dit une « boutèle » et non une « bouteille », une « file » et non une « fille ». Donc on dit « Millet ».
La moisson de sarrasin
Je vous revois encor, batteurs de sarrasin !
Quand vos fléaux joyeux, frappant à coups rythmiques
Faisaient voler dans l'air la paille avec le grain !
Mais les bras aujourd'hui font place aux mécaniques.
Charles Frémine