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de Yoland Simon
Si j'osais, mon petit cœur... une pièce inspirée de l'article « Torture » du Dictionnaire philosophique de Voltaire où l'ironie vire à l'humour noir.
Créée le 14 juin à la MJC de Cherbourg, au profit de l'association Itinérances, elle a été présentée le 2 juillet à Cerisy-la-Salle en clôture du colloque Faut-il brûler Voltaire ? puis au théâtre de l'hôtel de ville du Havre.
On pourrait présenter Si j'osais mon petit cœur de Yoland Simon comme une pièce de théâtre amusante sur la torture. Sauf qu'une telle formulation provoque immanquablement un léger malaise...
La torture, c'est la « question » qui se pratiquait encore dans un cadre légal au XVIIIème siècle. Dans l'article Torture de son Dictionnaire philosophique Voltaire met en scène le grave magistrat chargé d'appliquer la procédure et sa femme dans leur intimité après une journée de labeur. « Mon petit cœur, n'avez-vous fait donner aujourd'hui la question à personne ? » lui demande-t-elle, de plus en plus intéressée après avoir été d'abord quelque peu choquée. Yoland Simon s'est inspiré de cette situation pour créer une sorte de fantaisie très XVIIIème en intégrant aussi un classique et très malin valet de comédie.
L'ironie chez Voltaire est une arme. L'ennemi est officiellement vaincu avec l'abolition de la torture en 1780. La pièce de Yoland Simon n'est donc pas une œuvre de combat. Mais l'esprit de Voltaire s'y retrouve sous la forme d'un humour délicieusement noir.
Donc, oui, une pièce amusante sur la torture... Mais surtout un hommage au combat pour l'abolition et au talent de celui qui l'a mené.
Le grave magistrat qui a acheté pour quelque argent le droit de faire ces expériences sur son prochain va conter à dîner à sa femme ce qui s’est passé le matin. La première fois, madame en a été révoltée ; à la seconde, elle y a pris goût, parce qu’après tout les femmes sont curieuses ; et ensuite la première chose qu’elle lui dit lorsqu’il rentre en robe chez lui : « Mon petit cœur, n’avez-vous fait donner aujourd’hui la question à personne ? »
Voltaire, article Torture du dictionnaire philosophique
Lorsque le chevalier de La Barre, petit-fils d’un lieutenant général des armées, jeune homme de beaucoup d’esprit et d’une grande espérance, mais ayant toute l’étourderie d’une jeunesse effrénée, fut convaincu d’avoir chanté des chansons impies, et même d’avoir passé devant une procession de capucins sans avoir ôté son chapeau, les juges d’Abbeville. gens comparables aux sénateurs romains, ordonnèrent, non-seulement qu’on lui arrachât la langue, qu’on lui coupât la main, et qu’on brûlât son corps à petit feu ; mais ils l’appliquèrent encore à la torture pour savoir précisément combien de chansons il avait chantées, et combien de processions il avait vues passer, le chapeau sur la tête.
Voltaire, article Torture du dictionnaire philosophique